André Gide

Poésie de la figue

 

En relisant l’œuvre d’André Gide « Les nourritures terrestres »,  j’ai été intriguée par le dernier vers de ce court poème.

 

« … Chante à présent la figue, Simiane,

 Parce que ses amours sont cachées.

 

Je chante la figue, dit-elle,

Dont les belles amours sont cachées.

 Sa floraison est repliée,

 Chambre close où se célèbrent des noces ;

 Aucun parfum ne les conte en dehors.

 Comme rien ne s’en évapore,

 Tout le parfum devient succulence et saveur.

 Fleur sans beauté ; fruit de délices ;

                                          Fruit qui n’est que sa fleur mûrie. »

 

 Quel secret cache donc le figuier auquel fait allusion André Gide ?

 

 

Le secret du Figuier

 

Cet arbre familier ne se rencontre pas que dans les jardins. Dans les bois, il accompagne les autres arbres et les arbustes, développant au printemps et tout l’été, son territoire. Aux pieds des adultes poussent de nombreux petits plants vigoureux. Et dés les beaux jours apparaissent très vite sur la plupart des arbres, magnifiques feuilles d’un vert tonique et grappes de petites figues. À leur pleine maturité, les oiseaux en raffolent et tout particulièrement les étourneaux qui en bandes bruyantes, s’abattent sur l’arbre et accomplissent une razzia meurtrière ! Et les humains connaissent aussi la saveur sucrée, délicate, délicieuse de ce fruit. Figue blanche. Figue violette.

 

Les premiers froids de l’automne font tomber feuilles et figues desséchées.

L’hiver lui infligera une nudité complète, faisant apparaître un squelette au tronc tordu, aux branches tourmentées.

Mais au printemps, aussi rapidement qu’il a été dépouillé de ses feuilles et fruits par l’hiver, le revoilà, plein de vigueur, d’élan, offrant de nouveau feuilles dentelées larges comme des mains de géants, et grappes de petites figues.

 

Mais où sont les fleurs ? À quel moment apparaissent-elles ? Car qui dit fruit, dit fécondation, et donc fleur, non ?

Et non ! Pas pour le figuier, qui se passe de fleurs apparentes pour produire ses figues.

Il y aura  pourtant fécondation. Il y aura des fruits.

Mais tout se passera au cœur d’une « chambre close », au cœur d’une figue,

« Fruit qui n’est que sa fleur mûrie »

 

Mais pour pénétrer ce mystère, il faut abandonner la poésie et se tourner vers une explication plus scientifique d’un phénomène hautement complexe. Et donc entrer dans le domaine de la botanique.

 

La fécondation de la figue

 

 

(Extraits)

 

La figue est un fruit pour le marchand de quatre saisons comme pour le convive à table parce qu'elle se récolte comme une pomme et comme elle, elle est sucrée. Pour le biologiste c'est une inflorescence creuse dans laquelle les fleurs se développent et donnent après fécondation de minuscules akènes.

 En fait, il existe dans les populations de Figuiers (Ficus carica L.) deux sortes de figuiers : les figuiers mâles ou Caprifiguiers qui ne donnent pas de figues comestibles et les figuiers femelles ou figuiers domestiques qui donnent des figues comestibles

 

Le développement de très nombreux cultivars de Figuier est tributaire de la pollinisation d'un insecte inféodé à la figue.

 

La fécondation et par suite le développement des figues dépend d'une petite "guêpe" de sexe femelle, le Blastophaga psenes L. qui seule peut apporter le pollen dans la figue.

 Si la fécondation des fleurs femelles du figuier dépend du Blastophaga, le développement de ce dernier dépend de la présence de figues du Caprifiguier. Cet Hyménoptère appartient à la famille des Agaonidae.
La fécondation des figues est effectuée par le Blastophaga femelle. En effet seul le Blastophaga femelle est ailé. La femelle qui pénètre dans la figue est déjà fécondée. Elle apporte des grains de pollen d'un autre Caprifiguier.

 La présence de bractées qui recouvrent le pore d'entrée et les écailles qui garnissent le conduit qui mène à la cavité emprisonne l'insecte qui ne peut plus ressortir. Souvent il a perdu ses ailes en se frayant un passage à l'intérieur de la figue. L'Hyménoptère dépose ses œufs près de l'ovule des fleurs… La fécondation induit le développement du réceptacle qui se transforme en la figue charnue que nous connaissons.

 

Article plus détaillé et nombreuses photos sur le site de la Sorbonne:

Site de la Sorbonne

 www.snv.jussieu.fr › bmedia › arbres › figui

 figuier - Accueil - Sorbonne Université

 

 

La figue (sèche) de Francis Ponge

 

"Bâtie sans beaucoup de façons, l'herbe, le Temps, l'oubli l'ont rendue extérieurement presque informe; mais parfois, le portail ouvert, un autel rutilant luit au fond.

La moindre figue sèche, la pauvre gourde, à la fois rustique et baroque, certes ressemble fort peu à cela, à ceci près, qu'elle me parait beaucoup plus sainte encore; quelque chose, si vous voulez - dans le même genre, bien que d'une modestie inégalable - comme une petite idole, dans notre sensibilité, d'une réussite à tous égards plus certaine; incomparablement plus ancienne et moins inactuelle à la fois.

... Voilà l'un des rares fruits, je le constate, dont nous puissions, à peu de chose près, manger tout : l'enveloppe, la pulpe, la graine, ensemble concourant à notre délectation; et peut-être bien, parfois, n'est-ce qu'un grenier à tracasseries pour les dents : n'importe,nous l'aimons, nous la réclamons comme notre tétine; une tétine par chance, qui deviendrait tout à coup, comestible, sa principale singularité en fin de compte, étant d'être d'un caoutchouc desséché juste au point qu'on puisse, en accentuant seulement, un peu (incisivement) la pression des mâchoires, franchir la résistance - ou plutôt non-résistance, d'abord aux dents, de son enveloppe - pour, les lèvres déjà sucrées par la poudre d'érosion superficielle qu'elle offre, se nourrir de l'autel scintillant en son intérieur qui la remplit toute d'une pulpe de pourpre gratifiée de pépins.

 

La figue dans des expressions populaires

 

Trop de mots , parce que considérés, par nos nos Académiciens, désuets et inutiles, et trop d'expressions populaires, sont définitivement effacés des dictionnaires. Seule la mémoire populaire et le travail de quelques passionnés, permettent d'accéder à ces trésors de la langue parlée, hauts en couleur, au plus proche de la vie, de la terre et de ses habitants.

S'inscrivant au cœur du quotidien, le végétal - fleurs, fruits, arbres - a servi , de façon parfois cocasse, à exprimer une vérité, une moquerie voire une réflexion philosophique.

La langue populaire provençale est riche de ces expressions colorées. La figue, fruit commun en Provence, se retrouve évidemment dans les échanges entre ses habitants.

 

Quelques exemples tirés d'un ouvrages à lire et relire pour le simple plaisir d'imaginer des dialogues, des scènes "à la Pagnol" ou d'aller les retrouver dans des romans de Giono

 

Jean-Claude Bouvier. Claude Martel

Anthologie des expressions en Provence

 

- "On aurait le temps de tuer un âne à coup de figues"

- "Faire la figue" à quelqu'un

- "Mi-figue, mi-raisin"

- "ça c'est des figues d'un autre panier", pour "c'est une autre paire de manche"

- "Vendre pour une poignée de figues"  sous-entendu pour pas grand chose

- "Ma figue"! pour "Ma foi!"

 

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