(Extrait)

 

Au premier matin

 

Le voyage avait débuté dans l'opaline clarté de ce premier matin, les barques filaient doucement sur le fleuve. Naoh-Tê plantait sa longue canne de bambou dans l'eau verte d'un geste instinctif à force d'avoir été tant de fois répété. Parfois, las de l'effort, il laissait filer la barque à sa guise, comme on peut le laisser faire à un buffle sage qui connait le sillon mieux que l'homme.

Cependant il songeait.

Il songeait au long périple entrepris avec Waî-lu vers le grand marché de Nagata, but de leur voyage, et au temps qu'ils avaient consacré au chargement de leurs paniers d'osier et de leurs paquets enveloppés de toile huilée. Il lui semblait que toute sa richesse et tout son bonheur reposaient là, à ses pieds, sur le fond plat de son bateau.