LES ORCHIDÉES SAUVAGES

 

 

Avril a vu arriver dans les prés, sur les talus les premières orchidées sauvages. Et chaque année, au détour d'un chemin, c'est toujours la même surprise, le même émerveillement! Et toutes les  balades, pendant ces quelques mois, vont être dans cette attente d'une belle rencontre, dans le souci de la bonne identification, du nom latin qu'il faudra retrouver, de la photo qu'il ne faudra pas rater!

Mais ce n'est pas tout! L'intérêt de la découverte botanique - comme pour toute autre plante - se double toujours pour nous d'un questionnement littéraire : quel regard écrivains et poètes ont-ils porté sur les orchidées? Quelle place occupent-elles dans leur imaginaire?

 

Une rubrique qui va donc avoir une double préoccupation : présenter les orchidées sauvages au fur et à mesure des balades dans la nature et mettre en miroir le regard porté par un auteur sur  l'orchidée. Sachant que c'est bien plus l'orchidée de culture, l'objet poétique, que l'orchidée sauvage bien moins connue.

 

 

 

Voilà un livre passionnant qui va nous accompagner dans la découverte des orchidées : moins sous l'angle botanique (d'autres ouvrages plus scientifiques seront sollicités) que sous l'angle littéraire.

L'auteur, Pascale de Trazegnies, s'est passionnée pour les orchidées sauvages le jour où elle en découvrit près de sa maison du Lot.

Le livre qui résultera de cet engouement est surprenant. L'auteure présente cent orchidées, de tout horizon. Chacune d'entre elle est illustrée par un collage réalisé à partir des gravures de cette fleur, du  XIXème siècle. L'illustrateur se nomme Djohr.

Accompagnant chacune de ces orchidées, un texte d'un auteur est proposé à la lecture. Cent regards différents posés sur cette plante.

 

 

 

Et pour l'identification des orchidées de ces territoires d'Occitanie- Languedoc et Pays catalans -  cet ouvrage riche en photos et en descriptions de 118 orchidées sauvages de la région. Des itinéraires , invitation à la découverte, sont proposées par les auteurs Roselyne Buscail, Francis Dabonneville, Jean-Marc Lewin, Michel Nicole.

 

NOS RENCONTRES

 

 

ORCHIS MASCULA

Orchis mâle

(Photo Luce Van Torre)

 

C'est la première orchidée rencontrée en forêt de Grésigne (81), sur un talus, en bordure de chemin, en fin mars - avril. Certaines isolées, d'autres regroupées en petites colonies.

Orchis mascula, appelée aussi Satyrion mâle ou herbe à la couleuvre. Elle a été identifiée et nommée par Linné en 1755/1753. Elle est commune en France et dans toute l'Europe occidentale. Elle apparait en tout début du printemps mais est en dormance pendant la période estivale.

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Pour accompagner cette orchidée, une légende (présentée par Pascale de Trazegnies en introduction à son livre) tirée de la mythologie grecque, expliquant la naissance de cette fleur.

 

 

"Orchis, jeune homme fougueux, fils d’une nymphe dont il hérite la grâce quasi divine et d’un satyre qui lui donne le goût de la luxure, lors d’un banquet en l’honneur de Bacchus se prend d’un désir irrépressible, s’accouple à elle. Cet acte est interdit. Orchis est tué, dépecé, ses attributs jetés à terre. Certains disent qu’on l’a laissé survivre, s’enfonce dans la forêt et se fait attaquer par les bêtes sauvages. Sa vigueur n’ayant d’égal que leur férocité, il rivalise d’ardeur pour se défendre et son sang se répand tout au long de la forêt. En souvenir du jeune homme à la virilité puissante, montèrent du sol des orchidées."

 

(Il existe une autre version, asiatique, à peine moins sanglante et plus poétique.)

 

 

 

 

 

 

ORCHIS PURPUREA

Orchis pourpre

(Photo de Dominique Blanc)

 

L'orchis purpurea ou orchis pourpre, rencontrée dans la forêt de Sivens, fin avril, sur un talus occupé par une dizaine d'entre elles.

Sa floraison va de mars à juin. Elle est commune en Europe. C'est un espèce non protégée sauf dans certaines régions, dont la Franche Comté.

 

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S'il l'avait eu sous les yeux, Robert Desnos aurait-il écrit ce court poème ?

(Chantefleur)

 

L’orchidée et la pensée

 N’ont pas ombre de cervelle

 La pensée a peu d’idées

 

                                                                           Ainsi l’orchidée a-t-elle

                                                                         En tête peu de pensée

                                                                           Pas de pensée et peu d’or

                                              Chidée

 

 

 

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CEPHALANTERA LONGIFOLIA

      Céphalantère à longues feuilles

 

En forêt de Sivens (81), fin avril, en bordure de chemin.

Plante le plus souvent solitaire mais grâce à son rhizome peut être entourée de quelques autres Céphalantères. Si les conditions de son environnement deviennent défavorables elle peut rester en dormance souterraine plusieurs années.

Elle se reproduit par dissémination de ses très  nombreuses graines. Pour qu'il y ait germination, la graine doit être en symbiose avec un champignon.

 

 

 

AUTRES ORCHIDÉES

découvertes début mai en Aveyron (12)

Photos Luce Van Torre

 

Dans la nouvelle de Guy de Maupassant (" Un cas de divorce"), la passion des orchidées,est telle qu'elle devient "folie poétique".

Extraits :

Elles sont attirantes comme des sirènes, mortelles comme des poisons, admirablement bizarres, énervantes, effrayantes. En voici qui semblent des papillons avec des ailes énormes, des pattes minces, des yeux ! Car elles ont des yeux ! Elles me regardent, elles me voient, êtres prodigieux, invraisemblables, fées, filles de la terre sacrée, de l'air impalpable et de la chaude lumière, cette mère du monde. Oui, elles ont des ailes, et des yeux et des nuances qu'aucun peintre n'imite, tous les charmes, toutes les grâces, toutes les formes qu'on peut rêver.

... Les inimaginables dessins de leurs petits corps jettent l'âme grisée dans le paradis des images et des voluptés idéales. Elles tremblent sur leurs tiges comme pour s'envoler. Vont-elles s'envoler, venir à moi ? Non, c'est mon cœur qui vole au-dessus d'elles comme un mâle mystique et torturé d'amour.
... Je les regarde et je les contemple, je les admire, je les adore l'une après l'autre.
Comme elles sont grasses, profondes, roses, d'un rose qui mouille les lèvres de désir ! Comme je les aime ! Le bord de leur calice est frisé, plus pâle que leur gorge et la corolle s'y cache, bouche mystérieuse, attirante, sucrée sous la langue, montrant et dérobant les organes délicats, admirables et sacrés de ces divines petites créatures qui sentent bon et ne parlent pas.
... J'ai parfois pour une d'elles une passion qui dure autant que son existence, quelques jours, quelques soirs. Et je reste près d'elle, ardent, fiévreux et tourmenté, sachant sa mort si proche, et la regardant se faner, tandis que je possède, que j'aspire, que je bois, que je cueille sa courte vie d'une inexprimable caresse.