HELENE DORION
Le voyage dure encore
qui me mène au commencement de moi-même
et la traversée ne connait aucun port.
De vastes ailes, des barques d'absence
un château blessé. Le vent tourmente
des forêts sans mémoire, perce les épaves
les ruines déjà rouillées par trop d'hivers.
Je rentre par des chemins dispersés
aux quatre coins de la nuit, par des paroles
accroupies dans la langue de mon père
des cris, des balbutiements, des mots
en friche qui ne racontent aucune histoire
et croquent le fruit et attendent le printemps.
J'ai longtemps cherché le seuil
de ma propre maison, des pierres lourdes
encombraient le passage.
Aujourd'hui j'avance vers ce que je deviens
je me fonde, m'érige
m'échafaude à l'est de mon arbre
pour que tout commence
avec ce qu'on appelle vivre.
J'ai compris tant de choses
de mes bonheurs et de mes déchirures.
Le temps brûle entre mes mains
comme des feuilles jaunes, l'empreinte
de chaque solitude
que l'on regarde les yeux fermés.
Et si, derrière nos pas, le monde
se remet à battre, que reviennent
comme de grandes marées
les terres jamais entrevues
et si je porte encore une trace
c'est d'espérance en un commencement
qui nous recommencera.