THIERRY METZ
Le lundi est une eau froide, une pluie glacée. On s’y risque à petits pas comme des oiseaux traversant une flaque, en sautillant. Nos gestes, encore engourdis , ne déplacent pas plus d’une brindille à la fois.
Le dormeur nous a laissé partir ce matin, après l’envoûtement qui n’était pas qu’un rêve. Comment prolonger ici ce qu’il nous disait dans sa sieste? ici tout est fixé d’avance, où ce qu’on voit a toujours le dernier mot, ne s’inspire que d’un regard immédiat? Comment faire pour que surgisse à hauteur de ce regard la main ensemencée du dormeur?
On travaille, quelque chose avance: c’est le but.
Est-ce le seul? Faut-il qu’un langage s’isole de tout ça, s’absente, pour en parler?
Peut-être.
Le manœuvre ne fait que ça du lundi au vendredi.
(Page 75)
Écrire un poème
c’est comme être seul
dans une rue si étroite
qu’on ne pourrait
croiser que son ombre
(1995)
Cette page froissée mais remise
à la rose la plus rose
pour la neige du jardin
la plus cachée d’être vue en ce jardin de neige
rose de la plus fine attache
du retrait, de l’effacement
cette page d’encres incertaines remise
en une seule rose substance d’un livre
épargnée de n’être ni le livre
ni le jardin
mais pour la seule raison d’être noire
sur la neige
d’être la plus cachée
d’elle
et de la rose.
(1995)