PIERRE GABRIEL
Marche en toi-même, écarte
Les buissons du feu,
Laisse tes doigts de nuit
Dénouer l'écheveau du sang neuf.
Fie-toi à la lueur des mots,
Aux signes dont l'amour
jalonne à ton insu ta route.
Que tes doigts de clarté
Sachent surprendre au secret de ta chair
Ce que tait le figuier
De la ferveur des guêpes.
Tu n'es toi-même qu'au delà
De ta propre lumière.
Éditions Rougerie. Mortemart
87330 Mézières-sur-Issoires.
Dépôt Légal : janvier 1979
Vie et mort ne font qu'un, l'arbre te donne sève
Et la pierre m'étreint dans son étau de nuit,
Chaque souffle nous met au monde, chaque voix
Qui se tait te fait signe et m'entraîne au-delà
De cette image obscure en qui je m'incarnais.
J'avance - mais vers quel impossible passage
Entre l'aube et le jour, entre moi-même et moi?
Un pas de plus. toute seconde est la dernière.
Nous mourons sans mourir, pour l'ultime sursis
De vivre chaque instant dans son éternité.
VOIX D'ENCRE 1997
En nous depuis toujours tracé, l'étroit sentier où nous marchons, de front,
D'un même pas, d'un même sang, vers notre terre reconnue.
En nous, multiple, le chemin vers l'horizon semblable où lèvera sans cesse resurgie, la même vague de lumière.
Rien n'entrave la houle à la crête des blés. Une poignée de neige, et le ruisseau court à la mer.
Ainsi,
Unique, en vérité, la route qui prend source au plus noir de la nuit,
Et l'un vers l'autre nous emporte,
Et l'un vers l'autre nous unit d'un même flux vivant roulant vers le soleil.
Une feuille parfois
Se déplie sur sa branche
Avec un bruit si neuf
Dans le matin glacé,
Mais si définitif
Que l’on reste accablé
D’avoir surpris le temps
En train de sécréter
Sa propre éternité.
Au bout du chemin
Un chemin semblable.
Un autre, au-delà,
Plus sombre et plus nu,
Et le même encore,
Forant l’horizon
Jusqu’au cœur du temps.
Pas après pas cède la nuit
Qui nous barrait la route,
Et chaque pas pourtant
La referme derrière nous,
Muraille haut dressée
Dont le faîte s’étoile
Du sang d’un oiseau fracassé.