J.M.G. LE CLEZIO

 

 

"Je suis entré dans la poésie Tang presque à l'improviste mais non par hasard, en lisant un poème de Li Bai qui met face à face un homme et une montagne. Le poète décrit un lieu d'immobilité et de majesté devant lequel l'être humain, dans sa faiblesse et son impermanence, ne peut que s'asseoir et regarder"

J.M.G. Le Clézio

 

Des poèmes de Li Bai, de Du Fu, Huai Su, Wang Jian, Zhang Zhongsu, Li Shangyin, Wang Changling, Bai Juyi, Zang Ruoxu, Wang Wei sont présentés et commentés par Le Clézio.

 

Li Bai . Le chant du départ

La brise souffle les fleurs de saule, toute l'auberge est parfumée

la jeune servante verse le vin, m'incitant à boire et boire

les amis de Jinling sont venus pour me dire adieu

Ils retardent l'instant du départ par des coupes qi se succèdent

Demandez, je vous prie, au fleuve qui coule vers l'est :

Qui coule plus loin, l'eau ou la tristesse de la séparation?

 

Du Fu . A la vue des lucioles

Une nuit d'automne,près du Mont Wu, s'envolent des lucioles

Traversant le rideau elles se posent sur les habits de l'homme assis

Celui-ci ressent soudain le froid qui touche déjà le luth et les livres

Et voit à travers leur agitation quelques étoiles au bord du toit

Il sort et les suit jusqu'au puits où elles dansent avec leurs reflets

Sur le passage elles s'attardent et illuminent les étamines des fleurs

Cheveux blancs, fatigué des fleuves, l'homme se lamente :" Regarde-toi

Vieil homme, seras-tu toujours là à contempler ces lucioles, l'an prochain?"